Le droit de propriété est constitué de trois composantes : l’usus, le fructus et l’abusus. Chacune de ces composantes peut être dissociée et être détenue par une personne différente, on évoque alors la notion de démembrement de propriété.

Ainsi, il est possible pour un parent de vendre la nue-propriété d’un bien à son enfant. Cela pourrait même être une solution à conseiller afin de s’assurer de disposer d’un logement ou de ses revenus de son vivant et de le transmettre à moindres frais à la génération suivante.

Mais l’administration fiscale ne l’entend pas de cette oreille. En effet, la loi fiscale est venue instituer une présomption de propriété de l’usufruitier pour tout bien, meuble ou immeuble, appartenant pour l’usufruit au défunt et pour la nue-propriété à l’un de ses présomptifs héritiers, sauf à ce qu’une donation ait été consentie plus de trois mois avant le décès par acte régulier. Ainsi, l’administration intègre la pleine propriété du bien à l’actif de la succession et l’héritier est alors taxé sur la valeur en pleine propriété du bien alors qu’il en est déjà nu-propriétaire.

 

Le principe du démembrement de propriété

L’usus est le droit d’user du bien (l’habiter), le fructus est le droit d’en percevoir les fruits (le louer), l’abusus est le droit de disposer de la chose (le vendre).

Lorsque ces trois attributs du droit de propriété sur un même bien appartiennent à la même personne, on la qualifie de plein propriétaire ou plus simplement de propriétaire.

Mais lorsque ces droits sont répartis entre plusieurs personnes, on assiste à un démembrement de propriété où l’on retrouve d’une part un usufruiter qui dispose du droit de jouir du bien (l’habiter ou le louer) et d’autre part un nu-propriétaire qui possède le bien, mais n’a pas le droit d’en jouir.

La nue-propriété confère le droit de devenir plein propriétaire du bien à l’extinction de l’usufruit. L’usufruit peut être temporaire (durée limitée déterminée contractuellement) ou viager (jusqu’au décès de l’usufruitier). À ce moment-là, le nu-propriétaire devient alors plein propriétaire avec en sa possession tous les attributs du droit de propriété, et cela, sans avoir à payer de droits de succession.

 

Les avantages du démembrement de propriété

Cette solution juridique peut s’avérer très intéressante puisqu’elle apporte plusieurs avantages :

  • Conserver l’usage de son domicile jusqu’à son décès ou en tirer des revenus pour payer un hébergement en EHPAD ;
  • Obtenir un capital à une période de la vie ou les ressources diminuent et les dépenses augmentent ;
  • Transmettre son patrimoine à ses enfants, ce qui n’est pas le cas avec la vente en viager ;
  • Éviter l’indivision au moment de la succession ;
  • Réduire les frais de succession par l’application du barème de l’article 669 du Code général des impôts.

 

L’usufruitier doit l’entretien courant du bien ainsi que la taxe foncière. Le nu-propriétaire prend à sa charge les grosses réparations (structure et toiture notamment), il faut donc veiller à ce que le bien soit en bon état lors de la cession, car il ne recevra aucun loyer pour couvrir ces dépenses.

Ces avantages sont bien réels sur le plan civil, mais ne fonctionnent pas sur le plan fiscal.

 

Les limites de la vente à un descendant

De son côté, l’administration fiscale va présumer comme fictive cette transaction. C’est ce qui ressort de l’article 751 du Code général des impôts. Ce mécanisme a été institué afin d’éviter que des personnes ne se dépouille de leur vivant de la nue-propriété d’un bien au profit de leurs héritiers, ceci afin de permettre à ces derniers d’échapper à l’impôt sur les successions au moment du décès, par le fait de l’extinction de l’usufruit au décès de l’usufruitier et la réunion de la pleine propriété par le nu-propriétaire sans droits de succession.

 

Les personnes concernées par cette présomption de fictivité sont :

  • Les héritiers présomptifs du donateur et leurs descendants, c’est-à-dire ses enfants et ses petits-enfants. Ceci même s’ils renoncent à la succession ou en sont exclus par testament ;
  • Les donataires (personnes recevant un don) ou légataires (personnes désignées comme héritières par testament). Ceci même s’ils obtiennent cette qualité par testament postérieur au démembrement de propriété ;
  • Les personnes interposées entre le défunt et les héritiers, donataires ou légataires désignés à l’article 911 du Code civil.

 

Il est possible d’apporter la preuve contraire à cette présomption simple. C’est le cas lorsque le démembrement de propriété résulte d’une donation régulière de la nue-propriété consentie plus de 3 mois avant le décès de l’usufruitier ou encore d’une donation consentie dans un contrat de mariage.

La preuve contraire peut également résulter d’une donation de deniers constatée par un acte ayant date certaine, quel qu’en soit l’auteur, en vue de financer, plus de trois mois avant le décès, l’acquisition de tout ou partie de la nue-propriété d’un bien, sous réserve de justifier de l’origine des deniers dans l’acte en constatant l’emploi.

Enfin, lorsque le décès de l’usufruitier intervient moins de trois mois après le démembrement, il est possible d’apporter la preuve contraire en démontrant que le décès est intervenu de manière soudaine et imprévue alors que le donateur était en bonne santé au jour de la donation.

Pour contourner cette difficulté, les professionnels du droit ont appliqué une pratique qui consiste à vendre l’usufruit à une société civile. L’administration fiscale a pris position sur ce montage dans un Bulletin officiel.  Elle considère que dans ce cas, l’article 751 du CGI ne trouve pas à s’appliquer. Toutefois, elle a la possibilité de mettre en œuvre la procédure de l’abus de droit prévu à l’article 64 du Livre des procédures fiscales.

Il est donc possible de vendre la nue-propriété d’un bien à un enfant. Sur le plan civil, ce sont les règles habituelles qui s’appliquent. Sur le plan fiscal, il faut faire très attention pour ne pas tomber sous le coup de l’article 751 du Code général des impôts.

 

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