Lorsqu’une personne décède sans descendance, sans ascendants, ni conjoint survivant, ses frères et sœurs héritent de l’intégralité de son patrimoine. Dans cette configuration, le droit français prévoit un régime d’exonération particulièrement avantageux, permettant d’échapper totalement aux droits de succession sous certaines conditions strictes.
Le régime d’exonération entre frères et sœurs : un avantage fiscal sous conditions
Pour qu’un héritier puisse bénéficier de cette exonération dans le cadre d’une succession, trois critères cumulatifs doivent être respectés :
- Statut matrimonial : l’héritier doit être célibataire, veuf, divorcé ou séparé de corps au moment du décès du défunt ;
- Âge ou situation de handicap : il doit avoir plus de 50 ans lors de l’ouverture de la succession, ou présenter une infirmité l’empêchant de subvenir à ses besoins par son travail ;
- Cohabitation : une vie commune avec le défunt pendant les cinq années précédant le décès est exigée.
Lorsque ces conditions ne sont pas réunies, les droits de succession s’appliquent selon le barème classique. Les héritiers bénéficient alors d’un abattement de 15 932 euros. Au-delà de ce montant, le patrimoine transmis est taxé à hauteur de 35 % pour les premiers 24 430 euros, puis à 45 % pour les sommes supérieures.
Le Pacs : un obstacle au statut de célibataire ?
La question du statut des personnes pacsées dans le cadre de ces successions a longtemps fait débat. Le pacte civil de solidarité constitue-t-il un empêchement au bénéfice de l’exonération ? La jurisprudence récente apporte une réponse claire à cette interrogation.
Un cas pratique révélateur
Une affaire portée devant la Cour de cassation illustre parfaitement cette problématique. En 2014, au décès d’une personne, son frère hérite de l’ensemble de son patrimoine en qualité de légataire universel. Estimant remplir toutes les conditions requises, cet héritier dépose sa déclaration de succession sans acquitter de droits, appliquant le régime d’exonération entre frères et sœurs.
Cependant, l’administration fiscale conteste cette position. Elle découvre que le bénéficiaire avait conclu un Pacs en février 2002, soit plusieurs années avant l’ouverture de la succession. Selon le fisc, cette situation matrimoniale fait obstacle à la qualité de célibataire nécessaire pour bénéficier de l’exonération.
La position de la Cour de cassation
Dans sa décision du 28 mai 2025, la Cour de cassation tranche définitivement la question. S’appuyant sur l’article 515-4 du Code civil, elle rappelle que le Pacs implique un engagement de vie commune entre les partenaires. Cette caractéristique fondamentale du pacte civil de solidarité empêche de considérer la personne pacsée comme célibataire.
Par conséquent, un héritier lié par un Pacs au moment du décès du défunt ne peut prétendre au régime de l’exonération prévu entre frères et sœurs. Cette interprétation restrictive de la notion de célibat s’impose désormais à tous les tribunaux.
Implications pratiques pour la transmission du patrimoine
Cette jurisprudence entraîne des conséquences importantes pour les stratégies de transmission. Les personnes pacsées souhaitant bénéficier de l’exonération dans une succession doivent anticiper cette situation.
Solutions envisageables
Plusieurs options peuvent être envisagées :
- Dissolution du Pacs : rompre le pacte avant l’ouverture de la succession pour retrouver le statut de célibataire ;
- Optimisation fiscale alternative : recours à d’autres mécanismes comme la donation ou l’assurance–vie ;
- Planification successorale : organiser la transmission du patrimoine par testament pour limiter l’impact fiscal.
Impact sur le calcul des droits
Sans exonération, l’héritier pacsé devra s’acquitter des droits de succession selon le barème applicable. Le montant des impôts dépendra de la valeur du patrimoine transmis, diminuée de l’abattement légal. Cette charge fiscale peut représenter une somme importante, notamment en présence d’immeubles ou d’actifs de valeur significative.
Perspectives d’évolution
Cette jurisprudence soulève des questions sur l’équité du traitement fiscal entre les différentes formes d’union. Alors que le Pacs tend à se banaliser en France, son impact sur les successions mériterait peut-être une réflexion législative approfondie.
En attendant d’éventuelles évolutions, les conseillers en gestion de patrimoine doivent intégrer cette donnée dans leurs conseils. La planification successorale devient d’autant plus cruciale que les enjeux fiscaux peuvent être considérables selon la situation familiale et matrimoniale des héritiers.